Les couleurs du papillon.


Adrien baigna le papillon dans un pot de peinture orange vif, qui avait concouru quelques heures plus tôt à rendre son cadeau de fête des mères si moche.
Trouvant légitime de s’amuser un peu après avoir satisfait à la tradition, il n’avait pas jugé utile de vérifier auparavant si le papillon était encore vivant. Il partait du principe qu’il l’était. Sinon, ce n’était pas amusant. La couleur doit bouger pour amuser l'oeil, se disait-il du haut de ses cinq ans.
Manifestation de bon goût du petit garçon, qui devait tout à l’improvisation.
Une loupe lui aurait appris qu’il ôtait la vie à une jeune femme ailée de deux centimètres, victime de l’envergure de ses ailes. L’enfant se serait ravisé, à tort, faisant démonstration de son jeune âge.
Plus grand, il comprendrait que les vies se valent, et qu’il y a quelque chose de magique à les éteindre toutes avec la même facilité. Qu’il s’agit d’une forme de respect.
La petite tâche orange se débâtit sur la table souillée d’expériences préliminaires.
Elle percuta une autre tâche rose, puis une verte, qu’elle rejoignit bientôt dans leur immobilité.
Il ne sembla pas à Adrien que le cafard et la musaraigne se soient donné autant de mal pour être aussi gracieux.
Il se pencha pour admirer l’arc en ciel, puis, eu égard à sa beauté, lui consacra une petite place dans sa mémoire.

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